AIRBORNE 44 WILD MEN… L’IMPORTANCE DE L’AUTHENTICITÉ SELON PHILIPPE JARBINET

Auteur-dessinateur-scénariste-coloriste, Philippe Jarbinet cumule toutes ces fonctions lorsqu’il s’attaque à un nouvel album de la saga qu’il dédie à ces soldats américains ayant débarqué le 6 juin 1944 sur les plages de Normandie. Des soldats qu’il va très rapidement envoyer au combat dans des villes et des villages de nos Ardennes. Une région qu’il connaît dans ses moindres recoins… historiques.

DIXIÈME VOLET DE LA SAGA ‘AIRBORNE 44’ débutée en 2009, ‘Wild Men’, suite et fin du cinquième diptyque commencé avec ‘Black  Boys’, a été présenté à la Presse d’une façon pour le moins originale. Conviés à Stavelot, l’un des centres névralgiques de la Bataille des Ardennes, nous sommes partis pour un ‘devoir de mémoire’ de quelque 33 kilomètres, en compagnie de l’auteur, mais aussi et surtout, dans une dizaine de Jeeps et de Dodge WC52 de l’époque 44/45. Des véhicules restaurés et pris en main par des membres de clubs de reconstitution revêtus des habits portés par les GI des divisions aéroportées ayant bataillés dans nos régions au moment des derniers moments du Troisième Reich. L’envie de l’ami Philippe étant de nous montrer et de nous plonger, visuellement parlant, dans tous les lieux stratégiques où se déroulait son nouvel opus.

L’OCCASION POUR TOUT UN CHACUN DE DÉCOUVRIR la ferme des Masures, première maison de village de Ster, qui, le 19 décembre 1944, servit de base aux SS pour y enfermer des otages qui, par la suite, allaient leur servir de bouclier pour monter à l’assaut des troupes américaines. C’est ensuite l’arrivée sur la route de Biester. Celle-là même qui a vu passer la puissante colonne des blindés de Pieper et de ses 6.000 hommes. Six jours plus tard, ils ne seront plus que 800.  Viendront ensuite Henrimoulin, Le Meez et le village de Fosses, des endroits stratégiques où les pertes furent particulièrement lourdes des deux côtés des forces en présence.

NOTRE COLONNE MILITARISÉE ARRIVERA ENSUITE À SAINT-JACQUES et son tristement célèbre ‘pré au char’. Un endroit surplombé d’un petit bois qui fut en fait, un lieu ayant vu en Europe, l’un des très rares affrontements à la baïonnette de la Seconde Guerre mondiale. Après un arrêt à la Ferme Dairomont, qui servit d’hôpital pour les Américains blessés durant ces combats meurtriers, ce sera l’entame crapahutante d’une sente serpentant à travers bois et menant au hameau de Rochelinval, là où nous avons découvert un petit monument dédié au soldat Richard ‘Dick’ J. Fields, mort en 2016 aux States, mais qui a voulu que ses cendres soient dispersées dans ce bois de triste mémoire où furent tués tant de ses compagnons du 551^e bataillon d’infanterie aéroportée.

CE NOUVEAU VOLET, PHILIPPE JARBINET L’A VOULU ANCRÉ SUR LE LOCAL et sur des lieux très spécifiques. En fait, la région Stavelot-Trois-Ponts, des endroits qui lui tiennent tout particulièrement à cœur. Des endroits où se déroulèrent les moments les plus sombres de cette Bataille des Ardennes qui est loin de se résumer à Bastogne. Reste qu’aux thèmes qu’il y développe, il leur donne des réponses qui n’appartiennent qu’à lui. ‘C’est vrai que je voulais coller à la réalité et qu’il y avait des choses très précises que je voulais restituer. À l’instar de ces lieux de mémoire que sont, dans l’album, certaines fermes, diverses prairies, petits bois, routes ou même sentiers. Je voulais mettre mon histoire dans les vrais décors et dans des endroits bien précis où se déroulèrent les combats. Des coins où je voulais rester fidèle aux faits historiques. Car, en fait, j’ai trois types de lecteurs. Le lambda. L’amateur de la Seconde Guerre mondiale. Et, enfin, celui qui connaît réellement les faits et les sites où s’est déroulée l’histoire que je raconte. Du coup, j’ai voulu marier mon imaginaire à la réalité des lieux.’ De toute façon, une invitation hors du commun, et que Campus n’oubliera pas de sitôt. D’autant que, cerise sur le gâteau, le soleil était de la partie. Super pour les photos et les caméras.

QUANT À L’HISTOIRE, ELLE EST CELLE DE VIRGIL ET JARED, deux GI que tout oppose. Ne serait-ce déjà que la couleur de leur peau. Toutefois, après des débuts plus que houleux, ils vont être obligés de s’entraider pour survivre aux horreurs du conflit. Dans un monde qui est loin d’être manichéen, les deux hommes devront aller au-delà de leurs différences. Bien au-delà!

COMME À SA BONNE HABITUDE, PHILIPPE JARBINET, avec son souci du détail et de la perfection, avec cette humanité qui le caractérise, captive d’emblée le lecteur; ils sont quelque 30.000 lors de chaque sortie. C’est vrai qu’après des mois de travail en solitaire -un diptyque dure trois ans- il nous avouait avoir vraiment voulu partager, dès sa sortie, cet album se déroulant au coeur même de ses racines familiales. Un partage qu’il a voulu avec les membres des clubs historiques qui l’ont aidé, mais également avec ces personnes de la Presse, qu’elle soit écrite, parlée ou télévisée, qui accueillent toujours ses albums de belle façon.

LORSQUE JE VOUS PARLAIS DE CETTE GRANDE HUMANITÉ dont fait preuve celui qui dessine le jour et devient professeur le soir à l’École des Beaux-Arts de Spa, il suffit d’entendre la réponse qu’il m’a donnée lorsque je lui ai demandé pourquoi, dans cet album, il a souvent employé le clair-obscur pour nombre de pages où la bataille s’effectuait au corps à corps: ‘Ces planches sont arrivées au moment où débutait la guerre en Ukraine. Du coup, je me suis interdit de coloriser la violence.’ Je vous laisse maintenant vous enfoncer dans les fabuleux paysages de neige que nous restituent, de façon remarquable et chirurgicale, le graphique et la colorisation d’un Jarbinet au sommet de son art.  🔴

‘Airborne 44 – Wild Men’, de Philippe Jarbinet chez Casterman