DOUBLE ARRÊT… UN CHEZ DARGAUD, L’AUTRE AU LOMBARD
@ Charly
Si même elles font partie d’un même groupe, si même en Belgique leurs bureaux si situent dans le même bâtiment, côté ligne éditoriale, les chemins diffèrent entre la maison Dargaud et celle du Lombard. Ce qui ne nous empêche pas ici de vous présenter les dernières parutions reçues de ces deux immenses piliers de l’édition bédéistique.
C H E Z D A R G A U D
CUBA, OÙ TOUT A COMMENCÉ… 28e OPUS D’UNE SÉRIE MYTHIQUE. C’est bien évidemment de la série XIII qu’il s’agit ici. XIII, l’amnésique le plus connu du monde de la BD. Et ce nouvel album, concocté dans le plus pur style du XIII de Van Hamme et Vance, ouvre qui plus est un diptyque qui se veut pour le moins explosif.
Toujours à la recherche de son passé grâce aux techniques nouvelles, Jason Mac Lane s’était retrouvé sur la piste de la Fondation Mayflower dont les dirigeants, des descendants radicaux de la droite puritaine, œuvrent depuis 1620 pour contrôler le pouvoir économique et politique aux États-Unis. Or, un de ses ancêtres, a malgré lui été impliqué dans l’histoire de cette fondation.
Aujourd’hui, notre amnésique revient à Cuba, là où tout a commencé. Un nouveau volet de cette immense saga qui colle de façon incroyable à l’actualité.
D’Yves Sente et Iouri Jigounov
MÉDECINS DE GUERRE T2… À LA DÉRIVE. Ce deuxième volet consacré aux médecins de guerre, s’impose comme une nouvelle plongée passionnante au cœur de la vie quotidienne des troupes françaises basées au Mali. Dans le premier opus, le lecteur avait fait la connaissance de Virginie N’Guyen, la première femme médecin du Groupement d’élite des commandos parachutistes.
Or, aujourd’hui, accusée d’avoir transmis des informations confidentielles à un groupe terroriste, elle croupit au fond d’une cellule. Finalement disculpée, elle va participer à une opération délicate: mettre la main sur un certain Tran, un dangereux djihadiste qui retient des enfants en otage dans une école. Après une négociation ardue, Tran obtient la livraison de deux pick-up et s’enfonce dans le désert en compagnie de ses prisonniers.
Du coup, une course-poursuite haletante va s’organiser. À mettre en exergue et en prolongement de cet album, un dossier fait de superbes photos ‘réalité’, mais également le dessin puissant, soigné et rigoureux de Laplagne.
De Patrice Buendia et Gilles Laplagne
LES VIEUX FOURNEAUX T7… CHAUDS COMME LE CLIMAT. C’est toujours de façon jubilatoire que l’on retrouve ces vieux fourneaux anarchistes qui ont dans l’idée de défendre, becs et ongles, les dérives de notre société. Cette fois, ils prennent fait et cause pour des migrants accusés d’avoir foutu le feu à l’usine d’Armand Garan-Servier, ce patron qui vient justement de passer de vie à trépas.
Tout cela alors que le maire de Montcoeur organisait un pique-nique de l’amitié et du vivre ensemble. Reste que le vivre ensemble a désormais du plomb dans l’aile. Bref, ça chauffe sévère à Montcoeur, tous comme dans les relations entre nos vieux fourneaux. Et cela, pas seulement à cause du réchauffement de la planète.
À bien y regarder, le climat de cet album ne fait que refléter celui de l’actuelle société française, déchirée entre tensions sociales et positions politiques extrêmes. Une vision lucide de la France d’aujourd’hui. J’ai adoré.
De Wilfrid Lupano et Paul Cauuet
NOIR BURLESQUE T2… UN FINAL TOUT BONNEMENT EXPLOSIF. Pour rappel, Rex, chef de la mafia irlandaise, tentait de convaincre Slick de travailler pour lui afin de se venger de Don Zizzi, chef de la pègre italienne. Si Slick refuse, Rex s’occupera de sa sœur et de son neveu. Et Slick de dire OK.
L’occasion pour Caprice, une vraie Agrippine, de convaincre Rex d’utiliser les talents de Slick pour une dangereuse mission: voler chez Zizzi un tableau qui pour lui à une valeur inestimable puisque c’est en fait le portrait de sa propre mère peint avec les cendres de la défunte.
Même si Rex promet à Slick d’effacer sa dette en cas de réussite, ce dernier n’est pas dupe. Dès qu’il aura mis la main sur le tableau, il signera son arrêt de mort. Un roman noir de chez noir qui met en scène avec maestria, tous les ingrédients du genre : truands qui dégainent plus vite qu’ils ne réfléchissent, femmes fatales chanteuses de blues, ventilateurs qui brassent un air moite alors que le héros, cigarette au bec, sirote son whisky cigarette entre les doigts. J’oubliais : un soupçon de sexe, beaucoup de fusillades, et un auteur au sommet de son art. Quel final !
De Enrico Marini
BRANCUSI CONTRE ÉTATS-UNIS… UN PROCÈS UBUESQUE. 1926. Une galerie d’art new-yorkaise organise une exposition des œuvres du sculpteur Constantin Brancusi. Or, dès leur arrivée sur le sol américain, toutes les sculptures sont saisies par les douaniers.
Raison invoquée: ce ne sont pas des œuvres d’art, mais bien des objets industriels sur lesquels des droits de douane doivent être appliqués. Et Brancusi d’intenter un procès à l’État américain. L’occasion pour l’auteur de proposer une BD savamment charpentée qui interroge sur la question de savoir quels sont exactement les critères qui permettent de qualifier d’art, une œuvre.
Quelles sont les frontières de l’art ? Surtout quand il s’affranchit des critères traditionnels pour s’ouvrir à la modernité sous toutes ses formes. Un ouvrage que doivent absolument lire tous les amateurs d’art. Un ouvrage intelligent présenté de façon très lisible.
D’Arnaud Nebbache
LE PROF QUI A SAUVÉ SA VIE… OU LA VOCATION PREMIÈRE D’ALBERT ALGOUD. Humoriste français bien connu pour ses sketches dans diverses émissions de la chaîne Canal+ et à France Inter, ancien rédac-chef de ‘Fluide glacial’, comédien, écrivain, grand maître au sein du club des tintinophiles, Albert Algoud a débuté sa carrière comme prof de français dans un collège de Haute-Savoie.
Un prof il est vrai pas vraiment comme les autres. Généreux, inventif, parfois potache, ne s’économisant pas, il va se révéler un enseignant à la fois original et hors norme. Choses qui n’amuseront guère les parents et plus encore la direction.
Lié par une grande amitié avec Florence Cestac, il lui raconte au hasard d’une rencontre ses avatars en tant que jeune professeur dans un petit bourg de province. L’occasion pour elle d’y aller d’un ouvrage à la gloire d’une pédagogie scolaire différente, mais aussi d’une réflexion sur le métier d’enseignant.
Tout cela via son crayon et son humour si caractéristiques. Vous allez vous régaler !
D’Albert Algoud et Florence Cestac
LE FLÈCHE ARDENTE… OU LA SUITE DU RAYON U D’EDGAR P. JACOBS. Quatre-vingts ans après la publication ‘Rayon U’ dans Bravo, hebdomadaire belge de l’époque -1943- Jean Van Hamme relève le défi et offre un dénouement à cette aventure qu’avait dû abandonner Jacobs suite au second conflit mondial. En fait, et comme il explique, Van Hamme a voulu raconter aux lecteurs en quoi consistait réellement ce rayon ‘U’, chose que Jacobs n’avait jamais divulguée.
Quant à l’histoire, elle est celle de Babylos III, cruel empereur d’Austradie, et qui a confié au général Robioff, général en chef de son armée, de s’emparer des Îles Noires, riches en gisement d’uradium. Associé au fameux rayon ‘U’, Robioff doit permettre la mise au point d’une arme invincible, censée assurer la domination de l’Austradie sur son ennemie jurée, la Norlandie.
Un album s’inscrivant sous le label ‘Blake et Mortimer’, que personne n’attendait et qui séduira les nostalgiques des débuts bédéistiques de ce grand maître de la BD qu’était E.P. Jacobs. À signaler que l’éditeur en profite pour remettre dans les bacs des libraires ‘Le rayon U’.
De Jean Van Hamme, Étienne Schréder et Christian Cailleaux
A U L O M B A R D
THE FRONTIER 1… ATTENTION, SÉRIE DÉCOIFFANTE. Dans l’Ouest américain, une gigantesque tempête sème la mort sur son passage. Seule une organisation baptisée ‘La Frontière’ est susceptible de l’arrêter. Elle est constituée d’un ramassis de criminels ayant développé des pouvoirs surnaturels au contact du cataclysme.
Pour vaincre la tempête, ils doivent sacrifier les habitants de cinq villes. Et ce au cours d’un rituel sanguinaire. D’habitude, tuer ne leur fait pas peur. Mais aujourd’hui sont-ils capables de se livrer de sang-froid à un acte inhumain afin de sauver l’Humanité ? Menée à un rythme d’enfer, peuplée de personnages aux trognes incroyables et servie par des dialogues trempés dans de l’acide, leur histoire a de quoi réveiller un mort.
Présentée au format manga, et tout en noir, blanc, gris, cette série ultra-rythmée avec un cliffhanger à chaque chapitre et un dessin hyper dynamique en harmonie avec le scénario irrévérencieux, mais virtuose de Paliaga, apporte assurément un style nouveau dans le genre western fantastique.
De Fioriniello et Paliaga
PURPLE HEART 4… DERNIÈRE ENQUÊTE POUR JOSUAH FLANAGAN. C’est sous le titre de ‘Jambalaya Blues’ que se termine cette série qui rend hommage à ces remarquables héros de la lutte anti-raciale que furent notamment Rosa Parks et Martin Luther King.
Mais revenons à ce dernier volet de ‘Purple Heart’ dans lequel on apprend que cela fait plus d’une semaine que l’on est sans nouvelles d’Amber, la nièce de Wilson, un camarade de régiment du célèbre détective Josuah Flanagan. Elle a en fait quitté Chicago pour descendre en Louisiane afin de protester contre les sévices infligés par les ségrégationnistes aux gens de race noire.
Nous sommes dans les années 1950 et dans le Sud, les revendications des droits civiques ont exacerbé les tensions raciales. Sur place, la disparition d’Amber n’est guère une priorité pour le shérif. Encore moins pour son adjoint, affilié au Ku Kux Klan.
Et Flanagan de partir à sa recherche. Mais lorsqu’elle réapparaît soudain, enlevée, violée, séquestrée… son récit est glaçant. Un nouveau grand moment de haute qualité tant graphique que scénaristique signé par un duo de… rêves.
De Warnauts & Raives
TERREUR BORÉALE À ESKIMO POINT… BRUNO BRAZIL EST DE RETOUR. Repris par un nouveau duo, Bruno Brazil, enfanté par Greg et William Vance, connaît déjà une troisième aventure sous la griffe de ses nouveaux papas. Nous sommes dans le Grand Nord canadien au moment même où l’équipage d’un chalutier découvre, avec stupéfaction dans ses filets, le cadavre d’un adolescent.
Alerté, le World Security International Office – WSIO – charge son agent Bruno Brazil et ses équipiers Gaucho Morales, Whip Rafale et Tony Nomade, de mener l’enquête. Enquête d’autant plus important que, à peine déposée à la morgue, la dépouille a fait l’objet d’une tentative d’enlèvement.
Pire encore, recouvert d’écailles, le corps a manifestement fait l’objet de manipulations génétiques. Et Bruno et son fameux ‘Commando Caïman’ de découvrir un fantastique laboratoire émergeant de la banquise.
Un album qui mérite le détour, car scénariste et dessinateur commencent à trouver leurs marques afin de se construire dans le prolongement du duo Greg et Vance.
De LF Bollée et Philippe Aymond
DUKE… DE RETOUR POUR UNE ULTIME AVENTURE. De retour en Californie, Duke Finch est fermement résolu à libérer Peg, cette jeune prostituée dont il s’est épris, et qui est retenue en otage par King. Mais pour la sauver, il lui faudra se plier aux exigences de King qui lui demande de rapporter sous forme de rançon, les 100.000 dollars extorqués à la ‘Soakes & Sears’ et qui sont en sa possession.
Mais à peine débarqué en ville que Duke est arrêté et confiné derrière les barreaux. Survient alors un libérateur aussi inattendu qu’inquiétant : Manolito, l’insaisissable tueur sanguinaire dévoué corps et âme à King.
Arrivé au ranch d’Ogden, celui de King, Duke va s’apercevoir que ce que veut le maître des lieux n’est pas l’argent. Un dernier acte à l’odeur de poudre et de sang portant le titre de: ‘Ce monde n’est pas le mien’. So long Mister Duke.
D’Yves H et Hermann
COMBATTRE OU MOURIR… LES ENFANTS DE LA RÉSISTANCE. Voilà une série qui ne cesse de faire mouche et qui en est aujourd’hui à son huitième volet. C’est vrai qu’hyper bien documentés, les auteurs ont reçu non seulement les félicitations de la critique, mais aussi, et c’est non négligeable, celles de nombreux historiens.
Du coup, nos résistants en culottes courtes sont toujours bien là afin de mettre çà et là une peau de banane sous les bottes des occupants verts de gris. Aujourd’hui, dans le contexte de développement de la presse clandestine, le réseau mis sur pied par Lynx a pour mission de convoyer un important stock de papier destiné à alimenter les imprimeries secrètes de la France libre.
Le problème est qu’il devient de plus en plus difficile de circuler en France où les contrôles se multiplient. Sans oublier les collabos. Malgré toutes les précautions prises, une partie de l’opération menée par François, l’un de nos jeunes résistants, tourne mal. Du coup il est obligé de rentrer dans la clandestinité sans pouvoir prévenir ses amis. Toujours aussi éducatif ! Toujours aussi passionnant ! Toujours aussi pédagogique ! Toujours superbement documenté !
De Benoît Ers & Vincent Dugomier
LATAH… LA CULPABILITÉ EN FIL ROUGE. Vietnam, 1965. Une escouade de soldats américains est en mission dans la vallée de la Drang. Son but: baliser les zones à bombarder au napalm par l’aviation US. Dans cet enfer vert, le danger est partout. Surpris et acculés par des troupes ennemies, ces GI pénètrent sans le savoir dans un territoire étrange.
Selon les nombreuses légendes, cet endroit est celui du Latah. Un endroit duquel nul ne revient jamais. Or, cet être protecteur est là pour absorber les douleurs de son peuple. Et quand la souffrance se fait trop importante, alors, il devient destructeur. Et notre patrouille de faire les frais de ce destructeur invisible qui les fait tomber les uns après les autres sans qu’ils ne sachent d’où et de qui viennent ces attaques.
Superbe côté dessin, cet album tient le lecteur en haleine d’un bout à l’autre de ses 124 pages. À mettre en exergue les coloris de Mikl, qui magnifient plus encore un graphisme plus qu’abouti.
De Thomas Legrain