DES BÉDÉS… COMME S’IL EN PLEUVAIT


@ Charly

Le dernier trimestre de l’année 2022 fut particulièrement fécond en parutions bandes dessinées. Or, cette cadence effrénée s’est confirmée durant le mois de janvier de cette année. Du coup, nous avons décidé que notre rythme de présentation de deux albums semaine devait être revu. Raison pour laquelle, et pour le moment, ce seront douze albums que vous trouverez à chaque fois présentés de ces colonnes. Mais de façon plus succincte, et le temps de se remettre à flot.

‘COQ-SUR-MER 1933’… LÀ OÙ SE RÉFUGIA ALBERT EINSTEIN. Basée sur des faits historiques, cette superbe intrigue policière aurait pu porter le titre de ‘Quand les nazis traquaient Einstein en Belgique’. C’est vrai qu’en 1933, fuyant l’arrivée d’Hitler au pouvoir, Albert Einstein, s’inquiétant que ses travaux ne tombent dans les mains des nazis, se réfugia avec son épouse et son entourage dans cette station balnéaire de notre littoral. Mais le Reich entendait bien récupérer le physicien.
Ses agents vont projeter de l’enlever et dès lors le contraindre à poursuivre ses recherches en Allemagne. Une bédé dans la pure tradition ligne-claire où scénario et dessin font de cet ouvrage un excellent moment d’histoire. D’autant que le dossier y ajouté, nous apprend bien des choses dont on ne parle pas dans les cours d’Histoire.
De Rudi Miel et Baudouin Deville chez Anspach

‘LES ENFANTS PERCHÉS DE LA RÉVOLUTION’… L’AFFAIRE RÉVEILLON. Ce premier volet d’une série prévue en quatre albums fait directement mouche. C’est frais, bien rythmé et superbement dessiné. En fait, une grande fresque historique au cœur de la Révolution française, mais vécue par des ‘titis parisiens’. Michel, 11 ans, est le fils d’un artisan du faubourg Saint-Antoine à Paris. Quand il n’aide pas son père, il rêve en secret de mécaniques et de machines modernes.
Mais au printemps 1789, d’autres sujets animent la capitale. Sujets qui provoqueront bientôt de premières émeutes dans ce quartier ouvrier proche de la Bastille. Des troubles qui bouleverseront à jamais le devenir de Michel. Un excellent premier volet qui enchantera toutes les générations de lecteurs.
De Jean-Sébastien Bordas chez Casterman

‘LOUISIANA – LA COULEUR DU SANG’… LA FIN DE LA TRILOGIE. Inspirée de faits réels, cette trilogie s’achève sur une nouvelle révélation. Nous sommes à La Nouvelle-Orléans en 1961. Louise Soral, une vieille dame arrivée au crépuscule de sa vie, a décidé de rompre le silence qui entoure l’histoire de ses ancêtres propriétaires au XIXe siècle, d’une plantation de canne à sucre dans le sud des États-Unis. Une histoire sombre et sordide construite sur la douleur et le sang des esclaves qui y travaillaient.
Ce sera la découverte du journal intime de son aïeule, et surtout la gravité des faits, qui vont bouleverser sa lecture, et qui la décidera à raconter cette histoire qui évoque cette réalité subie par des milliers de gens. Des blancs, de noirs, de créoles ou d’esclaves dans une Amérique misogyne, raciste et en proie à de profonds changements à la veille de la guerre de Sécession. Un récit mené de main de maître par un duo 100% belge.
De Léa Chrétien et Gontran Toussaint chez Dargaud

‘JUSQU’À RAQQA’… UN COMBATTANT FRANÇAIS AVEC LES KURDES CONTRE DAECH. Ce récit complet est en fait l’histoire vraie, intense et bouleversante, d’un militant internationaliste qui, en Syrie, va se retrouver au cœur de la guerre contre Daech. Son nom : André Hébert. Son désir le plus profond: combattre l’État islamique aux côtés des Kurdes de Syrie. Ce récit : ce témoignage qu’il nous livre. Après trois semaines de formation, il se retrouve sur le front en plein cœur du Rojova.
Entre attentes, explosions kamikazes, combats à distance ou rues après rues, il avance, porté par ses idéaux de démocratie et d’égalité. S’il nous explique la culture et la politique kurdes, il nous livre également son engagement qui le conduira au cœur de l’ultime bataille dans les ruines de Raqqa occupé par les djihadistes. Un journal de guerre à couper le souffle, auquel le crayon talentueux de Nicolas Otero donne toute son envergure.
De André Hébert et Nicolas Otero chez Delcourt

‘SPIROU CHEZ LES FOUS’… MAIS NON, IL N’EST PAS MORT! Le dernier titre consacré à Spirou le disait mort. Or, depuis, de nouveaux albums griffés à son nom ont vu le jour chez Dupuis. N’en prenons pour preuve que cet one-shot écrit en parallèle à ses 56 aventures, et qui l’envoie dans un asile où les pensionnaires sont atteints du syndrome de Jérusalem. Une maladie psychiatrique qui frappe les visiteurs arrivant dans la ville sainte et qui leur fait perdre tout contact avec la réalité.
Sauf, qu’ici, ce syndrome vient également de s’implanter dans la ville d’Angoulême, célèbre pour son festival de la BD. Ainsi, de plus en plus d’habitants de l’endroit se prendraient pour des héros issus du petit monde de la Bédé. Pire, Fantasio serait contaminé et se prendrait pour le Capitaine Haddock. Et Spirou de partir à son secours. C’est drolatique en diable et c’est truffé de personnages issus du monde des héros de papier.
De Jul & Libon chez Dupuis

‘MATTÉO – FÉVRIER 1939 – JUIN 1940’… UNE CONCLUSION SOUS FORME D’APOTHÉOSE. Dans ce récit romanesque de très haute tenue composé de six époques, l’auteur, par le truchement de son personnage Mattéo, raconte la destinée singulière d’un homme qui, de 1914 à 1940, traverse le tumulte d’un siècle en mouvement. Depuis la Révolution russe jusqu’au Front populaire et la guerre d’Espagne, il en saisit les grands sursauts et nous raconte le vécu de cet homme aux prises avec les passions les plus vives. Dans ce dernier volet, après plusieurs mois de ‘drôle de guerre’, on découvre cette armée allemande qui dès le 10 mai 1940 envahit la France. C’est la débâcle.
Pour Mattéo et son fils Louis, c’est alors le temps d’une traversée épique qui les mènera de Sedan aux plages de Dunkerque sous les bombardements et dans la confusion la plus totale. Une saga brillante, sublimée par les dessins d’un Gibrat au sommet de son art.
De Jean-Pierre Gibrat chez Futuropolis

‘LA BUSE T1 – LA CHASSE AU TRÉSOR’… ENTRE MYTHE ET RÉALITÉ. Si l’on vous explique que l’auteur est peintre officiel de la Marine belge, vous comprendrez aisément que dans ce premier volet d’un diptyque consacré à Olivier Levasseur, ce corsaire qui en 1714, suite à la fin de la guerre de succession d’Espagne, va basculer dans la piraterie où on le surnommera ‘La Buse’, les bateaux règnent en maîtres incontestés. Or, ce Levasseur aurait pu être un pirate comme tant d’autres, courant les mers et vivant de larcins, de rapines et autres maraudages.
Mais voilà, au mois d’avril 1721, un étrange mélange de chance et d’audace va lui permettre de rentrer dans l’Histoire lorsqu’il s’empare avec une aisance incroyable du Nossa Senhora do Cabo, un vaisseau portugais qui recèle dans ses cales une décennie de trésors accumulés par le vice-roi portugais des Indes orientales. Mais, par la suite, l’histoire va mal se terminer. Pour cela, il nous faudra attendre le second volet de ce diptyque, pour connaître la fin de ce récit mythique où l’auteur nous éblouit lorsqu’il utilise des doubles pages pour dessiner de merveilleux bateaux d’époque.
De Jean-Yves Delitte chez Glénat

‘NELLO ET PATRASCHE’… UN RÉCIT DE 1870 ADAPTÉ EN BD. Londres 1870. Suite à la demande de deux amis, Marie-Louise de la Ramée, mieux connue sous son nom de plume d’Ouida, leur raconte alors une histoire très dure qu’elle a vécue. Et de leur narrer par le menu, son récent voyage à Anvers. Un voyage qui l’a à jamais marqué au fer rouge, tant les conditions de vie du monde rural de l’endroit y étaient particulièrement difficiles. Ayant eu vent de ce récit édité en anglais sous le titre de ‘A Dog of Flanders’, Griffo, depuis longtemps déjà, voulait lui rendre hommage.
Suite à une discussion avec le scénariste Marc Legendre, son souhait est aujourd’hui réalité. Nello, un gamin orphelin ne rêve que d’une chose: devenir un autre Rubens. Élevé par son grand-père qui vit à la campagne près d’Anvers, il s’est lié d’amitié avec Patrasche, un chien errant, abandonné. Tous les jours, notre duo se rend à la ville afin d’y vendre le lait de la ferme… Une histoire émouvante et dure, remarquablement contée et dessinée, qui nous fait découvrir la Flandre de l’époque.
De Griffo et Marc Legendre chez Kennes

‘ROBIN T3’… SUITE ET FIN DU TRIPTYQUE NOTTINGHAM. Voici donc la fin de ce triptyque qui revisitait en BD, ce grand classique de l’Aventure que demeure la narration des exploits de ce légendaire ‘prince des voleurs’ qu’était Robin des Bois. Et c’est en apothéose que s’achève cette réécriture version ‘dark’ du célèbre mythe. De l’action, des rebondissements en cascade et surtout de l’inattendu. Dans cette saga, tous les ingrédients indispensables à un récit captivant sont réunis. D’autant que les lecteurs seront cette fois encore, loin, très loin même, d’être au bout de leurs surprises.
Conjuguant à la perfection documentation historique et intention romanesque, les scénaristes Brugeas et Herzet ont réussi à nous offrir un dénouement d’une étonnante et haletante originalité. D’autant que ce ‘remake’ bénéficie d’une mise en image soignée, dynamique, prenante et spectaculaire signée Dellac. Des dessins que la mise en couleur de Béchu, efficace et sobre tout à la fois, met plus encore en exergue. Une excellente récréation bédéistique.
De Vicent Brugeas, Emmanuel Herzet et Benoît Bellac au Lombard

‘OSAHAR’… PREMIER VOLET D’UNE SAGA DÉDIÉE AUX MAÎTRES ASSASSINS. Au travers des différents opus de cette nouvelle saga, le lecteur va faire à chaque fois la connaissance d’un nouveau ‘Maître Assassin’. En fait, celle des tueurs les plus aguerris qu’ils soient sur les Terres de l’Oscitan. Il faut savoir que tous ces donneurs de mort sont à la solde et aux ordres de la belle Neferis, et qu’ils exécutent sans vergogne les insensés qui osent les menacer. Si tous sont bien évidemment de redoutables combattants, ceux qui ont l’honneur d’être choisis par Neferis pour des missions très spéciales jouissent de facultés exceptionnelles. Cela grâce aux philtres pour le moins magiques que concocte un alchimiste de renom.
Ainsi donc, quand une guilde rivale décide de s’attaquer à la belle Neferis, elle envoie un de ses maîtres assassins régler au plus vite le problème. Dans ce premier opus, ce sera Osahar qui va s’y coller. Un premier volet qui laisse augurer des matins qui chantent pour la suite de cette série prévue en six volumes. À signaler, dans celui-ci, les découpages pour le moins réussis de Gugliotta, ainsi que son graphisme tout bonnement percutant.
De Sylvain Cordurié et Gianluca Gugliotta chez Soleil

‘UNE SAISON AUX ENFERS’… LA SUITE DES AVENTURES D’EDEN. Un peu comme si Caroline Baldwin ne lui suffisait plus, André Taymans a donné le jour à Kathy Malone, une autre héroïne qui, suite à la découverte des carnets de route de son grand-père, va se lancer à la recherche du ‘monde perdu’. Ce monde où vivaient ces monstres préhistoriques dont aujourd’hui la découverte d’ossements constitue le Graal pour tous ces paléontologues dont fait partie Kathy.
Dans le T1, partie en compagnie d’une bande de potes… des hippies, elle était arrivée aux confins de ce monde qu’elle qualifiait d’Eden et dans lequel elle voulait s’y installer avec sa communauté qui, il est vrai, se veut assez libre côté mœurs. Mais dans ce second volet, toute cette joyeuse bande n’est pas seule dans cet Eden où l’on va découvrir une certaine Miss Roxton, un savant nazi, des soldats russes, une peuplade indigène, et quelques nouveaux moments de galipettes.
D’André Taymans aux Éditions du Tiroir

‘LA VENIN SOLEIL DE PLOMB’… LA FIN DES AVENTURES D’EMILY. Pour rappel, dans le T4 – Ciel d’Éther – Emily avait trouvé une place de danseuse dans une revue de Broadway. Malgré la pression exercée par les détectives de l’agence Pinkerton lancés à ses trousses, elle devait tenir jusqu’à l’avant-première afin d’approcher sa nouvelle cible: Stanley Whitman. Sauf qu’à la fin du spectacle, s’approchant de Stanley, elle va tomber sous son charme. Toutefois, ce sera le destin, et non Emily, qui mettra fin aux jours de Stanley.
Dans ce dernier volet, Emily arrive au terme de sa quête de vengeance. Une vengeance qui, au départ, visait à retrouver et à éliminer les meurtriers de sa mère. Or, elle a appris que cette dernière était toujours en vie. Malgré cela, elle entend bien atteindre sa dernière cible et achever de la sorte son projet de vengeance. Sauf qu’elle apprend que sa cible est devenue aujourd’hui le président des États-Unis. Graphisme et scénario de Laurent Astier s’avèrent toujours aussi éblouissants que maîtrisés pour cette histoire qui débute comme un western au féminin, mais qui s’achève dans une Amérique en pleine mutation.
De Laurent Astier chez Rue de Sèvres 

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