QUAND LA BD SE LA JOUE EN MODE VACANCES…
@ Charly
Il paraît que la BD est faite pour les jeunes de 7 à 77 ans. Alors, durant ou au-delà de ces périodes de vacances propices aux évasions en tout genre, pourquoi ne pas en lire l’une ou l’autre? D’autant qu’avec dame pluie plus que présente, on se retrouve le plus souvent à l’intérieur, en position assise ou allongée.
‘LA TEMPÊTE’… UN DRAME SOCIAL . Manuel doit participer à une formation professionnelle. Malheureusement, le car qui l’emmène au lieu de rendez-vous tombe en panne. Au lieu d’attendre l’arrivée du véhicule de remplacement, il décide de rejoindre à pied l’hôtel loué par son patron.
Traversant un petit village, il s’offre une prise de bec avec une sorte d’antiquaire qui, dans un pick-up rouge, transporte un tableau représentant ce qu’on pourrait intituler ‘La femme à la tortue’. Coupant ensuite à travers bois, il tombe sur une luxueuse villa bordée d’une piscine près de laquelle une femme complètement nue se fait bronzer.
L’occasion pour lui de prendre son téléphone portable et de réaliser quelques jolis clichés. Surprise toutefois, de l’autre côté de la piscine, il aperçoit le fameux pick-up. C’est alors qu’éclate une violente tempête. Et Manuel de devoir demander asile dans cette superbe maison. Très vite, sa présence va rompre l’équilibre fragile du couple qui l’accueille, et révéler la violence sous-jacente de cette relation.
Un roman graphique aux décors et aux personnages réduits au plus simple. Une chronique sociale qui passe sans transition à un drame social pour un couple dans lequel la vulnérabilité a toujours été niée.
De Marino Neri chez Casterman
‘HONG KONG – PARIS’… SUITE ET FIN DE CHINA LI. Avec ce titre, le célèbre couple de la bédé à qui l’on doit notamment ‘Les pionniers du Nouveau Monde’ met un point final à cette saga chinoise remarquable qu’est ‘China Li’, et dont les trois premiers volets vous ont été présentés dans Campus.
Nous sommes en 1937. Ayant appris que son fils a été kidnappé par les hommes de Mao et qu’il se trouverait à Nankin, Li fait rapidement route pour cette ville. Mais lorsqu’elle arrive là-bas, Nankin vient de tomber aux mains des Japonais.
Témoin et victime des atrocités qu’y commet la soldatesque nipponne, bien que meurtrie dans sa chair, elle parvient toutefois suite à l’attaque du convoi qui l’emmenait dans un bordel pour soldats, à rejoindre Hong Kong. Là, elle va mettre tout en œuvre pour reprendre la tête de la triade de la Bande Verte que lui avait légué son père adoptif.
Avec China Li, le duo Maryse et Jean-François Charles revisite la conquête du pouvoir par Mao. Une histoire finalement assez méconnue chez nous et qui entraînera le lecteur, grâce au crayon magique de Jean-François, de Pékin à Paris en passant par les tripots de Shanghai, mais aussi par ce cadre fabuleux qu’est la Cité maudite. Du grand art pour un voyage pour le moins mouvementé.
De Maryse et Jean-François Charles chez Casterman
‘LE PASSAGER DU POLARLYS’… SIMENON EN BD. Février 1930. Dans un atelier d’artiste parisien, Marie Baron est retrouvée sans vie, tuée par une overdose de morphine. Peu après, le cargo Polarlys quitte le port de Hambourg pour l’extrême nord de la Norvège. En fait, ce vapeur est le seul lien entre la civilisation et les villes et villages qui jalonnent la côte norvégienne jusqu’au cercle arctique.
Mais quel rapport y a-t-il entre ces deux événements ? A priori aucun. D’autant que pour le capitaine Petersen, ce devrait être un nouveau voyage sans histoire. Et pourtant le marin va devoir rapidement se muer en enquêteur lorsqu’il découvre qu’un meurtrier se trouve à son bord.
Un huis clos maritime, une sorte de ‘Mort sur le Nil’ dans les mers glacées de Norvège. À la différence toutefois des romans d’Agatha Christie, Georges Simenon ne parsème pas son récit d’indices pour lecteurs malins. La résolution chez lui est toujours d’ordre psychologique.
Avec ce récit, où le dessin genre ‘ligne claire’ de Christian Cailleaux fait merveille, Dargaud ouvre la porte à une nouvelle série BD consacrée aux ouvrages de Simenon. Une idée géniale si les albums à venir sont de la même veine que celui-ci.
De Simenon par José-Louis Bocquet et Christian Cailleaux chez Dargaud
‘LE GRIZZLI’… UN DRÔLE DE CHABANAIS. Vous aimez les films de malfrats des années 1960 ? Vous aimez ces films ou des monuments du cinéma tels que Gabin et Ventura jouent les caïds de la pègre ou les commissaires de police? Vous aimez les dialogues d’Audiard ? Alors, pas une seconde à perdre, cette bédé est faite pour vous. Ce qui ne doit surtout pas empêcher les autres d’y trouver leur plaisir.
Nous sommes à Paname à la fin des années 60. Là où le Grizzli, alias Guy Roussel, ancien boxeur, ancien voyou reconverti en concessionnaire de voitures, coule des jours paisibles entre son boulot, la belle Viviane et ses potes.
Il y a aussi Toine, l’ami d’enfance avec qui il a fait les quatre cents coups, et qui est désormais devenu turfiste. Il y a aussi Jo, rencontré en Indochine, et qui gère un restaurant avec Marinette, sa délicieuse petite femme. Mais quand Bébert-la-Gambille sort de la Santé et se met en tête de faire payer à Jo ses années de placard, ça tourne vite au chabanais. Autrement dit, ça devient un sacré bordel.
Un récit bien ficelé et bien dans le ton des polars de l’époque. Un récit où l’argot est très souvent de mise. Mais pas de crainte à avoir puisque, fin de l’album, vous découvrirez un lexique qui vous donnera la traduction de tous ces mots qui ne vous sont peut-être pas familiers. Quant aux dessins semi-réalistes et très ligne claire de Fred Simon, dessins qui plus est très lumineux côté colorisation, ils collent parfaitement au Paname de ces années-là.
De Matz et Simon chez Dargaud
‘TUEZ DE GAULLE’… FIN DU DIPTYQUE. Voici le second volet de ce diptyque dont le premier opus vous a été présenté il y a peu (cf. onglet Books). Une suite et fin de l’attentat du Petit Clamart auquel, le 22 août 1962 à 19h30, échappait le général de Gaulle.
Les Français se souviennent encore de cette date et des anecdotes qui l’accompagnent: la légendaire tenue de route de la DS présidentielle, le sang-froid du général, le fait que le chef des assaillants fut la dernière personne à être fusillé en France.
Mais sommes-nous au fait de l’essentiel? Qui étaient les conspirateurs? Qui a armé leur bras? Avaient-ils des complices jusque dans les hautes sphères de l’État? Et qui était exactement leur chef, Jean Bastien-Thiry, condamné par une juridiction d’exception.
Cet attentat, acte décisif d’un scénario digne des meilleurs thrillers politiques, est une histoire que l’on s’empressa d’oublier pour ne pas compromettre trop de personnalités. Une histoire vraie que personne ne connaît encore totalement aujourd’hui.
Une histoire que tente de décoder de belle façon Simon Streins, bien aidé en cela par le dessin réaliste de Munch. Une occasion aussi pour les amateurs de voitures ‘vintage’, d’en découvrir quelques-unes issues de ce début des années 60.
De Treins, Munch et Scarlett chez Delcourt
‘LE BOUCHER DE STONNE B1bis’… FRANÇAIS PUIS ALLEMAND. Cet ouvrage vient prendre place dans cette série que l’éditeur Delcourt consacre aux blindés. Nous sommes en 1944, durant l’opération Market Garden. Un parachutiste sous uniforme anglais, mais d’origine juive, se retrouve devant un char allemand: un B1bis français. Il le connaît très bien puisque c’est lui qui l’a fabriqué.
En 1940, durant la campagne de France, le char français B1bis fut de loin le plus redouté et surtout une très mauvaise surprise pour les équipages des panzers allemands qui n’en connaissaient pas l’existence. Ces derniers ne pouvaient compter que sur les pièces lourdes de leur artillerie, pour venir à bout de celui qui se voyait invulnérable à leurs canons, comme à toutes leurs pièces antichars.
Dans cet album au récit savamment élaboré et superbement mis en valeur par les crayons du duo Mavrik–Andronik, le lecteur, mais aussi tous les passionnés d’engins de guerre, vont découvrir l’histoire de ce redoutable char d’assaut français détourné par les Allemands durant la Seconde Guerre mondiale.
À mettre aussi en exergue, et comme toujours, l’excellent dossier technique qui se trouve en fin d’album.
De Pécau, Mavric, Andronik et Verney chez Delcourt
‘MOLOTOK-41 NE RÉPOND PLUS’… FIN DU DIPTYQUE . S’inscrivant dans la série ‘Buck Danny Classic’, ce récit, inspiré de faits historiques authentiques, est en fait le second volet d’un diptyque entamé par ‘Le vol du Rapier.
1958: Buck poursuit cette opération montée secrètement afin de tenter de délivrer des savants atomistes américains enlevés par l’URSS en 1951. Sauf que rien ne se passe comme prévu. D’échappée aérienne d’anthologie en retournements de situations désespérées, Danny et ses amis ont fort à faire pour échapper aux redoutables sbires du SMERSH, le service de contre-espionnage de l’Armée rouge.
L’occasion pour les amateurs d’aviation de découvrir une multitude de ‘zincs’ en tout genre. Que notre pauvre Sonny Tuckson est méchamment touché sentimentalement parlant. Et que Miss Lee est en train de supplanter Lady X dans les aventures de cet as de l’aviation qu’est l’ami Buck Danny.
De Le Bras, Marniquet et Zumbiehl chez Dupuis/Zéphyr
‘COMMENT JE NE SUIS PAS DEVENU UN SALAUD’… BIOGRAPHIE SANS CONCESSION. Intimiste, sans complaisance ni nostalgie, ce récit révèle le portrait en creux de l’auteur, mais aussi celui de sa génération et de l’éducation dans les années 1970, permissive et perméable dès lors à toutes sortes de violences.
Né avec un pied bot qui le torture, Matthieu vit au grand air avec ses frères et défoule ses colères sur le plus jeune d’entre eux. Puis vient le temps des désirs tus qui accentuent son mal être. Incapable de maîtriser par les mots ses angoisses et ses pulsions, il se réfugie dans le dessin.
La découverte des livres de Moebius et Philippe Druillet va lui ouvrir les portes d’un monde qu’il ne soupçonnait pas, goûtant à des sensations ‘érotico-esthétiques’ qui le sacrifieront et changeront sa vie à tout jamais.
Ce livre est surtout un hommage incroyable au monde de la bande dessinée qui semble avoir permis à l’enfant et à l’homme qu’il est devenu, de survivre et puis de vivre. Si le trait nerveux de Blanchin peut déstabiliser, son récit est texte inoubliable sur l’enfance.
De Matthieu Blanchin chez Futuropolis
‘HACENDADO’… L’HONNEUR ET LE SANG. Mexique, 1863. Sur ces terres arides où la violence et le crime sont le lot quotidien de la population de l’État de Sonora, le descendant d’une ancienne lignée de conquistadors tente de faire perdurer les notions de justice et d’honneur.
Et c’est justement pour sauver l’honneur bafoué de son nom que Don Armando, riche hacendado, décide de faire justice lui-même en condamnant son propre à une mort lente, mais certaine. Son fils Diego qui de passage en ville, aurait non seulement violenté Doña Joselita, mais également tué le fils de l’alcade qui courtisait la belle.
Bien que Diego clame son innocence, son père, convaincu de sa culpabilité, l’emmène dans le sinistre désert de Sonora, l’abandonnant à son triste sort. Un désert où il faut autant redouter la sauvagerie de certains félins que celle des hommes. C’est vrai que la bande d’Abraham Hinter, un cruel chasseur d’Apaches, a fait de ce désert son territoire de chasse.
Un western brutal, rude, impitoyable, sans concession, où le dessin époustouflant de Gilles Mezzomo, qui n’est pas sans rappeler celui de Giroud, sublime plus encore un scénario savamment tissé par Philippe Thirault.
De Philippe Thirault et Gilles Mezzomo chez Glénat
‘UNE RÉVOLUTION NOMMÉE RASPOUTINE’… LIBRE SERVITEUR DE DIEU. Il fallait oser! Migoya et Carot l’ont fait! C’est-à-dire de raconter le mythe de Raspoutine en partant de la relique de son pénis présente dans le musée de l’érotisme à Saint-Pétersbourg…
Au cours de l’hiver 1916, dans une Russie en guerre, un homme étend de plus en plus son influence sur la famille royale: l’énigmatique Raspoutine. Homme de confiance de la tsarine Alexandra, celui que l’on surnomme ‘le moine fou’ s’est déjà fait une réputation en raison de ses prétendus miracles et de ses penchants dépravés
Dans sa résidence de Saint-Pétersbourg, il continue jour après jour d’accueillir et de soigner les plus démunis. Ce sera lors d’une de ces visites qu’il va recevoir la jeune Alissa. Une gamine qui doute de ses pouvoirs surnaturels, mais qui connaît son influence. Elle lui demande d’intervenir pour empêcher que son père soit déporté.
Intrigué par l’intelligence fulgurante de la fillette, Raspoutine va tout mettre en œuvre pour l’aider. Mais alors qu’il œuvre en extérieur contre l’antisémitisme grandissant et la guerre qui affame la population, de sombres rumeurs circulent désormais dans les couloirs du palais. La chute de Raspoutine est proche et avec lui c’est toute la Russie qui va sombrer.
Une fresque vivante qui détonne par sa galerie de personnages et son style pictural aux coloris et traits chatoyants.
De Herman Migoya et Manolo Carot chez Glénat
‘LE GRAND DÉSORDRE DE L’AN 1’… AU CŒUR DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE. Voici déjà le second volet de la série que Fourquemin et Hautière consacrent à cette bande de jeunes qui vont se trouver au cœur de la Révolution française. Une nouvelle série faite pour plaire et qui a pris d’ores et déjà son envol. Et quel envol!
Pour rappel. Après l’assassinat de la comtesse de Montencourt, sa fille, la petite Célénie, héritière de la fortune familiale, s’est réfugiée à Nantes, chez son oncle le marquis de Valoire. En fait le commanditaire du meurtre de la comtesse. Suite à l’aide de trois jeunes mendiants, Prince-Mitraille, Titor et Mélina, Célénie a pu s’échapper des griffes de cet oncle, et se cache désormais dans le quartier du Bouffay.
Pourtant, mandaté par Valoire, Mange-Doigts, roi des bas-fonds nantais, réussit à retrouver la fillette et à l’enlever en même temps que Titor. Une capture qu’il entend monnayer grassement auprès du marquis. Du coup, Célénie est à nouveau dans une situation difficile, courant même un grand danger. Comment va-t-elle s’en sortir?
Le scénario est prenant et habilement monté. Le style graphique est à la hauteur, et rend encore plus attractif le récit. Le dossier pédagogique en fin d’ouvrage est à la fois clair et des plus instructifs. Que demander de plus… sinon la suite de cette série qui plaira tout aussi bien aux jeunes qu’aux aînés.
De Fourquemin et Hautière au Lombard
‘LE MARTEAU DE THOR’… FIN DE LA SÉRIE DÉDIÉE AU CHÂTEAU DES MILLIONS D’ANNÉES. Cette série fantastique qui s’achève ici, et qui se veut l’adaptation des romans de Stéphane Przybylski, s’est présentée en fait comme la rencontre entre ‘Les aventuriers de l’Arche perdue’ de Steven Spielberg et ‘X-Files’, cette série télévisée américaine de science-fiction.
Aujourd’hui, dans ce dernier volet, le lecteur va retrouver Friedrich Saxhäuser, officier hors normes du Reich, sauvé par des Aliens. Un Saxhäuser qui ressent les effets dévastateurs de l’arme testée sur lui.
Pendant ce temps, aux USA, se forme un complot ayant pour but de récupérer la momie et la technologie ET. Sauf qu’une opération de commandos allemands est déjà en route pour atteindre le même objectif. L’affaire dépasse maintenant l’issue de la guerre, car une flotte spatiale hostile approche de la Terre, et l’avenir de l’humanité est en jeu.
La suite… un basculement total dans un récit de science-fiction. Mais cela, on le sait, faisait partie de cette histoire où le personnage central est doté d’une force surnaturelle. On ajoutera encore que les dessins du Croate Vladetic sont toujours d’une belle précision et talentueux côté décors.
De Nolane, Przybylski et Vladetic chez Soleil