IL VOULAIT FOURNIR L’ÉQUIVALENT DE LA RICHESSE À LA CLASSE OUVRIÈRE. ELLE VOULAIT UNE UTOPIE DURABLE

@ Sophie


Paris, 1864. Glannes se fait prendre la main dans le sac alors qu’elle tente de soulager Jean-Baptiste André Godin de sa montre à gousset. Plutôt que de la punir ou de la livrer à la maréchaussée, l’industriel propose à la jeune fille de l’accompagner à Guise, dans l’Aisne, où il possède une importante usine de poêles à charbon. Il y a fait construire un familistère, où les ouvriers et leurs familles vivent en communauté, dans un confort qui leur était jusqu’alors inaccessible.

DURANT DES ANNÉES, GLANNES VIT AUPRÈS DE MARIE, qui devient en quelque sorte sa mère d’adoption. En grandissant, elle prend conscience de l’importance de ce monde idéal, mais comprend également que celui-ci n’existe que par la bonne volonté de Godin grâce aux résultats flatteurs de l’entreprise. Si l’un ou l’autre venait à manquer, les jours de ce formidable modèle de société seraient comptés. Pourtant, Glannes en est persuadée: une utopie vraiment durable est possible.

ELLE REPOSERA SUR SES ANCIENS COMPAGNONS D’INFORTUNE: les mendiants, chapardeurs, prostituées, journaliers, et autres crève-la-faim avec lesquels elle a autrefois grandi. Des rebuts de la société, dont les activités sont éternelles…

TOUT À FAIT AUTHENTIQUE. La rue de la Grande Truanderie est tout à fait authentique. elle se trouve dans le 1er arrondissement de Paris. Était-ce l’endroit idéal pour installer votre familistère du crime?

JEAN-DAVID MORVAN ADORE LES NOMS DES RUES DE PARIS. Il nous raconte qu’il a chez lui un vieux dictionnaire des anciennes rues de Paris qu’il parcours de temps à autre. Pour lui, la rue de la Grande Truanderie est assez inspirante. On est sur les limites, ou presque, de l’ancienne cour des Miracles. Il y a là-bas une tradition qui n’est pas ouvrière. Parler de familistère du crime est un peu biaisé, mais c’est la manière que les bourgeois de l’époque ont de voir la misère, la débrouille, tout ce qu’ils considèrent d’une certaine manière comme le vice. Pour Glannes, c’était en tout cas l’endroit idéal où fonder son familistère. Utiliser la prostitution, les larcins, la mendicité… pour financer une utopie; pour aider ces gens que personne n’aide jamais.

EXEMPLE DE LA PROSTITUTION: le familistère du crime aide les femmes quand elles sont malades ou enceintes, crée des congés maternité, fait de la prévention concernant les maladies vénériennes, ce qui rassure la clientèle bourgeoise qui fréquente ce type d’établissements. D’une manière générale, le quartier est plus sûr, car la petite criminalité est encadrée.

QUELQUE PART, TOUT LE MONDE Y GAGNE. Et comme on n’éradiquera jamais le crime, cette utopie se financera éternellement. Ce point de vue déplaît fortement au familistère de Guise, dont la démarche se veut à la fois morale et éthique. L’entreprise de Glannes radicalise même le fils de Godin, qui a le sentiment qu’elle salit complètement l’utopie créée par son père. Il a vraiment un côté ultra, fondé sur l’ordre et la morale. Ce sont souvent les convertis qui sont les plus radicaux. Et lui a en plus du mal à trouver sa place à côté de ce paternel auquel il voue un véritable culte. Il voudrait tellement qu’il soit fier de lui qu’il est prêt à tout, même au pire…  🔵
‘Rue de la Grande Truanderie’ de Jean-David Morvan chez GrandAngle
Avr 2025

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