La nouvelle Zone 30 généralisée en Région de Bruxelles-Capitale permet quelques réflexions. Par définition évidente, une vitesse harmonieuse est celle qui est adaptée à tous les facteurs de la circulation: le profil de la chaussée, son revêtement, ses conditions d’adhérence et ses croisements, le volume et la vitesse du trafic, le type de véhicule, sa charge et son état, le talent, l’expérience et l’état de fatigue de son conducteur, la visibilité propre à chaque instant et surtout la proportion de l’attention qu’il dédie à la tâche très artisanale de la conduite.
PARMI CETTE LONGUE ÉNUMÉRATION CERTAINEMENT ENNUYEUSE, en dehors du contrôle technique annuel des véhicules et de l’entretien très variable des routes, les autorités sont contraintes à ne pouvoir pratiquer que deux contrôles objectifs dans le flot du trafic: le respect des feux et le plus souvent celui de la vitesse instantanée des véhicules depuis l’invention du radar dans les années ’50 par un coureur automobile hollandais, Emile Gatsonides. Certes, aujourd’hui on mesure aussi la vitesse moyenne avec le »radar-tronçon ».
DEPUIS L’INVENTION DU »GATSO » ET SURTOUT EN BELGIQUE, la vitesse »non adaptée » est donc devenue tout simplement celle qui dépasse la limitation en vigueur. Si, pour sa sécurité et celle des autres usagers, il est utile pour l’automobiliste de savoir à l’approche d’un virage aveugle qu’il est raisonnable pour une large moyenne des conducteurs de le négocier sans dépasser une certaine vitesse annoncée en chiffres noirs sur un fond blanc cerclé de rouge, il n’en va absolument pas de même pour les limitations uniformes de la vitesse comme la fameuse zone 30 de Bruxelles nous y fait penser.
SI SEULEMENT LES AUTORITÉS BELGES AVAIENT INSTAURÉ une modulation de ces limitations uniformes de la vitesse, comme par exemple de notre 120 sur autoroute, en cas de pluie, neige, brouillard ou de trafic intense voire, comme c’est le cas en Allemagne, quand on tracte une remorque, on pourrait y voir leur volonté d’aider le conducteur dans la sécurité de sa tâche. Mais en l’absence de telles modulations et à l’éclairage de la définition du premier paragraphe, la limitation uniforme de la vitesse n’est donc pas le facteur efficace de sécurité routière qu’il prétend être et encore moins un intéressant élément d’aide à la conduite pour les conducteurs.
ET POUR REVENIR A LA ZONE 30 GÉNÉRALISÉE DE BRUXELLES hormis quelques axes principaux, il est intéressant d’écouter la commune de Schaerbeek qui annonce fièrement une diminution de 12% du nombre de ses victimes de la route en 2020 par rapport à 2019. Pourquoi oublie-t-elle de rapporter ce résultat à la diminution générale du trafic de plus de 20% qui a été causée par la pandémie? Force nous est donc de constater ici qu’au contraire l’insécurité routière y a augmenté! Serait-ce la conséquence de la diminution du soutien à l’attention générée par la diminution du trafic ou bien celle d’une certaine illusion de sécurité générée par la zone 30? Sans doute les deux!
LA LIMITATION DE VITESSE DOIT DONC ÊTRE AVANT TOUT UNE INFORMATION UTILE À L’AUTOMOBILISTE, seule condition pour qu’elle soit d’abord appréciée et donc crédible et ensuite… respectée spontanément.
Sinon pourquoi multiplie-t-on chez nous à ce point les ralentisseurs, agents couchés et autres trottoirs traversants alors que ces systèmes sont quasi totalement absents des routes d’Allemagne où, pour info, le risque par kilomètre d’être une victime sur la route est inférieur à ce qu’il est en Belgique?
MALGRÉ TOUT, RÉJOUISSONS-NOUS DE CE QU’EN UN DEMI-SIÈCLE, le risque d’être une victime de la route par kilomètre parcouru par le trafic a été divisé par 50; oui, vous avez bien lu »cinquante »! Grâce aux fabuleux progrès de l’automobile tant en sécurité active que passive mais aussi grâce à l’attention accrue qu’a générée l’augmentation du volume de trafic qui a presque décuplé pendant le même temps.
Dès lors, s’agissant de la pertinence de la zone 30 élargie, le mieux espéré par la ministre qui l’a mise en place sera-t-il une fois de plus l’ennemi du bien? ✦
Philippe Casse, Historien de l’Automobile
Membre effectif de l’ABJM, Association Belge des Journalistes de la Mobilité
casse64@gmail.com