PETIT TOUR BÉDÉISTIQUE CHEZ CASTERMAN… UNE MAISON FONDÉE EN 1780

@ Charly

Aujourd’hui, c’est chez Casterman que nos pas nous ont guidés. Une maison qui dans trois ans fêtera ses 245 ans d’existence. Un arrêt essentiel qui nous a permis de repêcher et de vous proposer quelques ouvrages laissés un moment de côté par suite de l’alternance des présentations.

‘LA FILLE DE L’EUNUQUE’, DE MARYSE ET JEAN-FRANÇOIS CHARLES. Même s’il est sorti fin d’année dernière, ce troisième opus des aventures de China Li -il y en aura quatre et non trois comme prévu au départ- vaut bien évidemment par la qualité du son scénario, mais aussi par le dessin et les coloris d’un Jean-François Charles qui s’impose à nouveau comme un metteur en scène d’une extrême qualité. C’est à la fois beau et d’une incroyable précision, avec un graphisme d’une finesse intense que des coloris d’une infinie tendresse mettent plus encore en exergue.
Si dans ce troisième volet le lecteur replongera dans le passé de Zhang Xi Shun, père adoptif de Li et parrain d’une triade ayant mis la main sur le trafic d’opium à Shanghai, il retrouvera également une jeune Li ayant quitté la France afin de prendre part à la révolution maoïste. Cela afin d’approcher au plus près Mao, le père de la Grande Marche. Un album qui à l’image de ces deux prédécesseurs est digne de figurer dans la meilleure des bédéthèques.

‘SUITES ALGÉRIENNES 1962-2019 PREMIÈRE PARTIE’, DE FERRANDEZ. Lors de la guerre d’indépendance, Jacques Ferrandez, alors gamin, s’est trouvé, en compagnie de ses parents, déraciné de son pays natal. Milieu des années 80, notre homme, avec ses Carnets d’Orient et ceux d’Algérie’, se lance dans une saga qui comprendra dix volumes qui nous parleront de la présence française en Algérie de 1836 à 1962.
Avec ‘Suites algériennes’, il aborde à présent l’histoire de l’Algérie depuis 1962 jusqu’à nos jours. Dans la première partie de ce nouvel opus qui démarre toutefois en 2019 avant de remonter le temps, on pourrait presque entendre les personnages parler, presque entendre les klaxons incessants sur la place des martyrs, ou encore les slogans résonner le long du boulevard Che Guevara un vendredi après-midi de ce mois de septembre 2019.
Attaché à la vraisemblance de ses personnages, Ferrandez tisse des liens pour nous raconter une Algérie indépendante, étonnement mal connue, mais aussi à quel point elle peut être aimée. Tout cela relaté via un dessin réaliste rehaussé de ces couleurs pastel dont l’auteur a le secret.

‘OCÉAN NOIR’, DE QUENEHEN ET VIVÈS D’APRÈS CORTO MALTESE. Manifestement, Corto Maltese, le héros d’Hugo Pratt, adore se balader à travers le temps. Si à la mort du grand maître de la BD italienne le duo Canales-Pellejero avait relancé la série dédiée au célèbre marin, et cela dans une période s’étirant jusqu’à l’année 1935, Vivès-Quenehen, avec la bénédiction de la maison Casterman, ont décidé de le moderniser et de le propulser dans notre XXIe siècle.
Certes, il change quelque peu notre Corto. Ne serait-ce qu’en ce qui concerne son habillement et son caractère. Mais on s’y habitue très rapidement. D’autant que cette nouvelle aventure reste très largement fidèle à celles connues par le marin le plus célèbre de la bédé. Un récit où il est question d’un trésor appartenant à des Incas, d’une secte ultranationaliste japonaise basée au Pérou, de pirates assez violents ou encore de jolies nanas ayant un sacré caractère.
Bref, de la grande aventure du genre de celles qu’Hugo Pratt aimait nous livrer. Et puis, il y a aussi ce style graphique qu’affectionne Bastien Vivès. Surtout quand il se sert du noir et blanc et de nombreuses cases sans la moindre bulle. Retour gagnant ou sacrilège? À chacun son avis.

‘LE RITE’, D’AMAURY BÜDGEN. Encore un album en noir et blanc. Un album qui se déroule dans un monde fantastique saupoudré d’un zest d’heroic fantasy. Un album qui débute par une quinzaine de pages muettes, et dans lequel Amaury Büdgen nous concocte des décors pour le moins somptueux.
Quant à l’histoire qu’il nous conte, elle est celle d’un prêtre qui est devenu le seul survivant du petit royaume de Kéva. Kéva, une cité perchée dans les montagnes et réputée pour son peuple pacifique naturellement tourné vers l’étude et le maintien des équilibres naturels. Mais voilà, décimés par les Haïmars et leur désir d’expansionnisme, les Kévarks ont tous été exterminés. Tous sauf ce prêtre qui, assis dans la position du lotus ou debout droit comme un chêne, lévite au milieu du Lac Miroir, centre spirituel de sa contrée aujourd’hui asservie et anéantie.
Sa seule raison d’être étant désormais d’assouvir la vengeance de son peuple. Une ode à la dark fantasy sous forme de fable politico-magique, mais également un album qui n’est pas sans nous interpeller sur une actualité bien présente. Celle d’un pays envahi par un tsar mégalomane et expansionniste.

‘LES SAUVAGES ANIMAUX’, DE DE MOORE ET DESBERG. Au cœur des années 70, le manager Peter Grump, un ours qui n’est pas comme les autres, raconte comment il a mené le groupe des ‘Sauvages Animaux’ au faîte de la gloire. Malgré le génie incontestable de ces animaux-rockeurs, son rôle a été capital. Ne fut-ce que pour imposer un minimum de discipline dans ce qui était une folie la plus totale.
Gérer les groupies et leurs ruptures, effrayer les promoteurs véreux, rembourser les équipements de studio bousillés, redécorer les chambres d’hôtels défoncées quand les nuits leur avaient donné le blues… ou quand le blues leur avait donné le groove. Bref, autant de tâches relevées haut la main par Grump! C’est qu’à chaque dérapage notre homme trouvait la solution, improvisant au bord de chaque précipice financier la légende saturée, glorifiée, érotisée d’un rock égoïste, parfois infantile, mais monstrueusement électrifiant.
Pour ce récit, notre duo s’est largement inspiré de la vie de Peter Grant, le manager de ‘Led Zeppelin’. Un vrai petit bonheur que cet album. Quant au dessin Johan De Moor, le fils de Bob, l’homme qui travailla longtemps dans l’équipe d’Hergé, il nous transporte via nombre de clichés, d’objets et de vedettes, au coeur des années 70. Cela par le biais de cases aux coloris psychédéliques et dans lesquelles il ne manque que le son.

‘Le BUG’, D’ENKI BILAL LIVRE 3. Déjà le troisième opus de cette série dans laquelle Enki Bilal nous prive, via un Bug magistral, de notre addiction au digitale. Ce faisant, il nous plonge, non sans une certaine dérision, dans un monde de désarroi et d’enjeux multipolaires. C’est que ce Bug planétaire qui est arrivé soudain, a mis tout à plat et a rendu impossible l’accès aux données numériques.
Dans ce troisième volet, et après deux tomes de chaos et de stupéfaction totale, l’humanité se remet péniblement en marche. Nous sommes en 2042 avec un pouvoir visiblement passé aux mains des femmes. Le début de cet album s’effectue via une image puissante: un nouveau personnage se fait tatouer dans la figure les visages d’Hitler et de Staline.
Une image qui, selon Bilal, résume parfaitement la toile de fond politique de ce nouveau volet qui se veut un regard implacable porté sur notre société hyper tournée vers l’informatique. Un volume où le XXe siècle, ignoré, oublié même, réapparaît à travers des fantasmes extrêmes, devenant par là même irrationnel, et donc rassurant pour un grand nombre.
Au-delà, dans ce contexte de ‘reconquistada’, le personnage de Kameron Obb, le seul humain encore détenteur de la mémoire numérique du monde et capable de re-booster n’importe quel système, va être l’objet de toutes les convoitises. Ne reste plus qu’à attendre avec impatience la, puis les autres suites.  🔴

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