QUOI D’NEUF CHEZ… FLAMMARION

Suite à ‘Le Foire du Livre’ de Bruxelles, l’occasion était belle pour Campus de découvrir ce que les maisons d’édition mettaient en exergue côté nouveautés. C’est ainsi que chez Flammarion nous avons choisi spécialement pour vous deux ouvrages parlant de politique, un polar islandais, un roman satirique venu d’Autriche, ainsi qu’un récit que l’on qualifierait volontiers de ‘devoir de mémoire’. Des ouvrages qui dans leur genre respectif, sont non seulement de véritables petites pépites, mais également de remarquables sources de documentation.

‘LE PIÈGE CHINOIS’, DE DOLKUN ISA
TRÈS SOUVENT, À TRAVERS LE MONDE, la crise ouïghoure qui a pour théâtre la Chine fait la une de nombreux médias. C’est vrai qu’une dizaine de pays ont reconnu l’existence d’un risque de génocide à l’égard de cette population turcophone vivant en territoire chinois. Manifestement, depuis 2016, une politique de terreur envers ce peuple a été mise en place par le gouvernement de Xi Jinping avec, notamment, la construction de plusieurs centaines de camps d’internement.
CET OUVRAGE, VÉRITABLE TÉMOIGNAGE à la fois glaçant et poignant, est celui d’un homme réfugié en Allemagne depuis 1994, et qui se bat pour que son peuple ne disparaisse pas. D’une plume incisive, mais qui souvent sidère, il explique la politique d’éradication utilisée par la Chine afin d’étouffer voix dissidentes et opposants. Cela, tout en installant la terreur sur leur famille. Au-delà, il explique comment Pékin a utilisé Interpol afin qu’il émette une notice rouge contre lui en l’accusant d’être un terroriste. Notice qui demeurera active jusqu’en 2018. Soit durant 21 ans.
SUITE À CET AVIS DE RECHERCHE, l’auteur a même failli finir ses jours dans une prison secrète chinoise. Signalons encore qu’Éric Darbré, qui a traduit cet ouvrage, est un grand reporter qui enquête sur la question ouïghoure depuis 1996. Il est même allé une dizaine fois au Xinjiang, région autonome ouïghoure créée par la Chine, afin d’y réaliser plusieurs reportages. Un ouvrage coup de poing !

‘LA HAINE ET LE DENI’, D’ANNE NIVAT
DOCTEURE EN SCIENCES POLITIQUES, reporter de guerre, spécialiste des questions internationales et ex-correspondante à Moscou, Anne Nivat, qui a autant parcouru le pays de Poutine que celui de Zelensky nous propose, via des témoignages venus de l’intérieur même de ces deux pays en guerre, une vision incroyablement humaine de ce conflit qui sévit désormais à nos portes depuis plus de deux ans.
LE 24 FÉVRIER 2022, LA RUSSIE ENVAHISSAIT l’Ukraine, violait la souveraineté de ce pays, niait son identité, causait de terribles pertes humaines et plongeait le monde dans la stupeur et l’effroi. L’occasion pour tout un chacun de voir un flux ininterrompu d’images des deux belligérants retransmises en direct sur les réseaux sociaux. Images qui nourrissaient autant l’émotion que la désinformation. Mais des images insuffisantes pour comprendre ce que vivaient réellement Ukrainiens et Russes.
L’OCCASION POUR L’AUTEURE DE SE RENDRE des deux côtés de la ligne de front afin de livrer, même si le désir de demeurer objective fut pour elle une chose ardue, les mots de ces soldats et civils des deux camps, plongés dans la haine pour certains, et le déni pour d’autres. Des mots qui permettent surtout de décrypter leur état d’esprit et qui jettent une nouvelle lumière sur ce conflit qui n’en finit pas de finir. Grâce à ces pages pour le moins poignantes, vous aurez l’occasion de découvrir enfin une version humaine de ce conflit. Cela au travers des souffrances et des émotions ressenties par les personnes interrogées. Une perception de cette guerre bien différente de celle que vous avez sans doute en tête !

‘KRUMMAVÍSUR’, DE IAN MANOOK
APRÈS L’AVOIR DÉCOUVERT DANS ‘Heimaey’ puis dans ‘Akja’, Kornelius Jacobsson, le meilleur flic d’Islande, se lance de nouveau dans ce polar à l’atmosphère glaciale, dans une enquête plus que tordue. Imaginez un chalutier en fuite intercepté par un hélicoptère des forces spéciales islandaises alors que la tempête fait rage et que la mer est déchaînée. Imaginez qu’à son bord on découvre le corps sans vie de la petite Anika, que toute l’Islande recherche depuis quelque temps déjà.
PRATIQUEMENT AU MÊME MOMENT, TROIS CADAVRES incrustés dans la glace reviennent à la surface suite à l’effondrement d’un iceberg au cœur de la lagune de Jökulsarlon. Ce alors qu’une base nucléaire secrète américaine émerge soudain de la banquise groenlandaise suite au réchauffement climatique. Trois affaires à l’apparence bien distinctes, mais qui vont être confiées à l’ami Kornelius.
ET NOTRE POLICIER DE SE TROUVER CONFRONTÉ à de multiples manœuvres orchestrées de façon nauséabonde par de politiciens de tout bord corrompus jusqu’à la moelle. Difficile pourtant pour eux de pouvoir manipuler voire saborder, celui que tout le pays appelle ‘le pire meilleur flic d’Islande’. Et si ce colosse torture son corps dans les salles de sport et son âme dans une chorale féminine, il n’en demeure pas moins un solitaire obstiné qui s’amuse à fredonner la sinistre complainte de ce corbeau affamé qu’est le krummavísur. Un petit régal que ce polar qui, au-delà d’actions en tout genre, de rebondissements insoupçonnés ou de violences extrêmes, se voit délicieusement saupoudrer de touches touristiques et gastronomiques auxquelles s’invite parfois un humour très ‘made in Island’. Vous allez vous régaler si vous êtes amateurs du genre.

‘FINES BOUCHES’, DE TERESA PRÄAUER
À L’INSTAR DES HÔTES ET DE LEUR APPARTEMENT subtilement décoré, ce dîner s’annonçait parfait. À l’image aussi de leurs convives qui ne manquaient jamais d’afficher leur grand intérêt pour la cause féministe ou l’environnement, tout en ayant le bon goût d’éviter tout sujet trop consensuel.
MAIS VOILÀ, SOUS LA PLUME MALICIEUSE de Teresa Präauer, la soirée va déraper, et avec elle, ces quadras bobos qui s’efforçaient de contrôler leur image et leurs propos. C’est ainsi que la playlist va troquer les jazzwomen du XXe siècle contre du Barry White, tandis que les langues vont se délier sous l’effet du crémant d’Alsace. Le tout immortalisé par les selfies qui vont rapidement se déverser sur les réseaux avec force hashtags.
QUELS QUE SOIENT LES SCÉNARIOS que l’auteure prend un malin plaisir à décliner, le dîner va dégénérer en un banquet de plus en plus loufoque et licencieux où les masques vont tomber pour notre plus grand bonheur. Une satire sociale aussi percutante que drolatique, à travers laquelle Teresa Präauer révèle les failles d’une génération modelée par les injonctions de notre société contemporaine. C’est tout autant savoureux que perspicace. Un moment d’évasion jubilatoire totale, qui va vous entraîner hors de notre monde de plus en plus ourlé de nuages de plus en plus sombres.

‘LES FEMMES D’AUSCHWITZ-BIRKENAU’, DE CHOCHANA BOUKHOBZA
ÉCRIVAINE ET RÉALISATRICE DE DOCUMENTAIRES sur la Shoah, l’auteure a enquêté durant plus de sept ans sur la déportation des femmes dans ce camp de la mort et de concentration situé sur le sol polonais. S’appuyant sur les témoignages de survivantes, mais également à partir des procès d’après-guerre où furent jugés nombre de SS, Chochana Boukhobza reconstitue l’organisation spécifique de Birkenau et redonne vie, dans ce récit choral, aux prisonnières venues de toute l’Europe occupée.
POUR L’ESSENTIEL, ELLES SONT JUIVES, catholiques, protestantes, agnostiques, tziganes ou encore résistantes. Mais au départ, la grande majorité ne savait certes pas ce qui les attendait. Celles qui échapperont à l’extermination seront alors soumises aux travaux forcés implacables. Mais passé la sidération, des réactions vont se faire jour contre ce système carcéral, bureaucratique et criminel qui les écrase. À l’image de ces secrétaires qui tentèrent de sauver des femmes du gazage, ou de ces doctoresses qui refusèrent de participer aux expérimentations des médecins SS. Si un four crématoire explosa le 7 octobre 1944, ce fut grâce à elles. Dans l’adversité, ces femmes sans défense se montrèrent courageuses, audacieuses, héroïques.
CET OUVRAGE, DÉDIÉ À LEUR MÉMOIRE, est un hymne à la solidarité et à la liberté. Un récit qui sauve de l’oubli des centaines d’héroïnes tombées en enfer, et à la survie improbable. Un livre à la fois fascinant et terrifiant, écrit par une Chochana Boukhobza ayant effectué un incroyable travail de fourmi pour en arriver à un tel point de précision dans ce récit qui vous prend aux tripes. Un vrai travail de mémoire!  🔵

Avr 2024