SAGA DACIA… SAGA GAGNANTE


@ Paul Verdbois

Le 2 juillet  1999, après avoir raté la reprise de Skoda en 1991 et celle de Volvo en 1993, sous l’impulsion de son PDG, Louis Schweitzer, et malgré les réticences d’un certain Carlos Ghosn, numéro 2 de l’Entreprise, Renault prenait le contrôle du constructeur automobile roumain Dacia aux liens historiques avec  la firme de Boulogne Billancourt. Le but? Produire une voiture simple mais moderne destinée principalement aux marchés émergeants au prix de 5.000 €. Vu la situation catastrophique de la marque roumaine, le pari était loin d’être gagné!

UN PEU D’HISTOIRE. C’est le 6 septembre 1966, quelques mois après la prise de pouvoir par le ‘Génie des Carpates, Nicolae Ceausescu de sinistre mémoire, qu’est signé l’accord cadre entre la Régie Renault et l’État Roumain pour la création d’une marque automobile qui sera baptisée Dacia. Le patronyme de Dacia renvoie au nom du territoire de la Roumanie durant l’antiquité, la Dacie. Conquise en 106 par l’Empereur Trajan, cette conquête nous est entre autres connue par la Colonne Trajane qui subsiste à Rome et qui nous conte, sous forme de bande dessinée ou plutôt sculptée, la campagne de Trajan.

NAISSANCE ET DÉCADENCE. Mioveni près de Pitesti, à une centaine de Km au nord-ouest de Bucarest, fut choisi comme lieu d’implantation de la nouvelle usine Dacia en intégrant une ancienne usine aéronautique de la deuxième guerre mondiale qui avait, entre autres, fabriqué des éléments de Messerschmit 109. Le 3 aout 1968, les chaînes d’assemblage livrent leur première voiture, la Dacia 1100, tout simplement un clone   de la R8 qui sera produit jusqu’en 1972. Cette Dacia 1100 n’était qu’un modèle ‘d’attente’ car dès le départ, il était prévu de produire la Renault 12 sous le nom de Dacia 1300 ce qui sera chose faite dès le 20 août 1969. Moyennant plusieurs face-lifts, dont la version 1310, ce modèle emblématique connaitra une carrière exceptionnellement longue de 37 ans, ne s’achevant que le 8 décembre 2006. Pas moins de 2,278 millions d’exemplaires furent produits, dont des versions Breaks, Pick-Up et même Coupé. La Dacia 1300 fut largement exportée dans les pays de l’Est et, dans une moindre mesure dans quelques pays exotiques. Fin des années 70, les tentatives d’exportation vers l’Europe Occidentale, où la Belgique figurait en bonne place, se soldèrent par un cuisant échec. Il est vrai que la Dacia proposait un produit totalement obsolète et, pire, à la fiabilité plus qu’aléatoire sinon nulle.
En 1995, pour tenter de redresser la barre,  Dacia lance la Nova, véhicule à la physionomie incertaine qui connut un succès des plus mitigé. En 2000, après la reprise de l’Entreprise par Renault, la Supernova, sous la supervision des ingénieurs français et aux qualités nettement supérieures, est lancée. Dès 2003, la Solenza  lui succède pour s’éteindre en 2006. Tant la Supernova que la Solenza constituent des produits de transition en attendant la véritable révolution nommée Logan.

LA RENAISSANCE. Avec la reprise de Dacia, Renault héritait d’un paquebot en perdition! Qualité des produits inexistante, ventes en chute libre,  usine au sol en terre battue digne de celles des années 50 à l’est du rideau de fer, personnel pléthorique et démotivé. L’arme du sauvetage? Le projet X90, autrement dit la Dacia Logan. Le cahier des charges? Produire une voiture moderne mais simple, robuste et fiable, au comportement routier adapté à tous les types de routes et qui utilise un maximum de pièces existantes dans la vaste panoplie Renault, principalement issues de la Clio. Lancée en 2004, la Dacia Logan, au départ basique, se voit rapidement enrichie de versions nettement mieux équipées. Contrairement aux prévisions qui prévoyaient une commercialisation exclusivement dans les marchés de l’est et émergeants, la direction de Renault change son fusil d’épaule en décidant d’également commercialiser la Logan en Europe Occidentale. Seul petit bémol, le prix de 5.000 € n’a pas pu être maintenu et en Belgique, la Logan sera vendue à 7.500 €.

LE SUCCES. Au fil des ans, la gamme Dacia va considérablement se diversifier. Très rapidement, une version break (MCV) ainsi qu’une version pick-up seront commercialisées. Suivront en 2008 et en 2010 la Sandero et le SUV Duster,  en 2012 l’utilitaire et ludospace Dokker ainsi que le monospace Lodgy. 2021 voit la naissance de la Dacia Spring, citadine électrique la plus abordable du marché et la remplaçante  de la Logan MCV, le Dacia Jogger avec une version hybride. Dans de nombreux pays, comme en Amérique du Sud, Russie (jusqu’en 2022), Inde ou Chine, les produits Dacia sont commercialisés sous le sigle Renault.
Tout en maintenant des prix extrêmement compétitifs, la gamme Dacia s’éloigne du concept basique avec une finition de qualité et des équipements comparables à ceux des autres constructeurs. 2022 a vu l’introduction d’une nouvelle identité visuelle de la marque qui renforce sa visibilité. Il est à noter que la grande majorité des clients Dacia se tourne  vers les versions haut de gamme. C’est dorénavant dans le monde entier que sont assemblées les Dacia: Roumanie, Maroc, Inde, Argentine,  Brésil, Chine, Russie (jusqu’en 2022), Afrique du Sud… 
Ainsi,  depuis 2004, plus de 8 millions de Dacia ont été produites et la réussite continue à être au rendez-vous. Malgré la crise, les ventes de Dacia ont atteint 573.800 unités en 2022 soit un gain de 6,8% par rapport à 2021. En Europe Dacia s’attribue 4,2% du marché. Mieux, avec 7,6% de parts du marché du client particulier, Dacia se classe en troisième position. Dans de très nombreux pays, c’est la plus haute marche du podium qu’occupe Dacia dans ce secteur. Avec 229.500 ventes, la Sandero est devenu le premier véhicule vendu à particulier, suivi par le Duster qui avec 197.100 ventes occupe donc la seconde marche du podium et même la première si l’on ne considère que le segment des SUV  vendus à particulier. Dans plusieurs pays, dont la Belgique, Dacia est leader sur ce marché du client particulier. En Allemagne et au Royaume-Uni, Dacia  a connu une croissance de plus de 50%. En France sa part de marché atteint 8,6% tandis qu’en Italie et en Espagne elle dépasse  les 5%. Mentionnons également le succès enregistré par la Dacia Spring qui avec 48.900 ventes devient la troisième voiture électrique la plus vendue à particulier.

L’AVENIR? Tous les paramètres semblent donc au vert pour Dacia avec des produits qui répondent parfaitement aux attentes d’une partie non négligeable de la clientèle. Prix, fiabilité, qualité en forte hausse, design et équipements  au goût du jour, tous des arguments qui font mouche. L’avenir semble donc radieux pour la firme roumaine.
Question: l’électrification forcée du parc automobile européen aura-t-elle raison de cette Succes- Story? Malgré les débuts plus qu’encourageants de la Dacia Spring, Dacia pourra-t-elle maintenir son avantage-prix sur ses concurrents en proposant des V.E. toujours compétitifs? Heureusement, son implantation importante hors-Europe lui permettra certainement d’amortir cet éventuel contretemps.  🔵

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