QUAND L’AUTOMOBILE CHINOISE S’ÉVEILLE…
@ Paul Verdbois
En 1973, Alain Peyrefitte, Ministre de Georges Pompidou, publiait son célèbre ouvrage ‘Quand la Chine s’éveillera… le monde tremblera’. Cette phrase, attribuée à tort à Napoléon, s’applique aujourd’hui parfaitement au monde automobile européen.
LES ENSEIGNES CHINOISES PRÉSENTES EN FORCE AU SALON DE BRUXELLES. Si lors de l’édition 2020, seules deux marques chinoises, GM et Polestar… eh oui, malgré ses gènes suédois, Polestar est chinois, tout comme Volvo d’ailleurs, honteusement absent en 2023, le visiteur de l’édition 2023 en aura découvert pas moins de neuf, à savoir MG, Polestar, BYD, Maxus, BAIC, DFSK, JAC, Seres et SWM. Une dixième enseigne, Aiways, du fait du Covid et de problèmes logistiques a dû annuler sa participation. Bizarrement, pas de trace de Lynk & Co ni de Bestune déjà commercialisés en Belgique.
Certes, les marques chinoises commercialisées sur le marché belge en 2022, à savoir Polestar (1741 immats), Lynk & Co (1477 immats), MG (938 immats), DFSK (196) ainsi que BAIC, BYD, Aiways, JAC, Bestune et SWM (ensemble 150 immats) ne représentent, avec 1,23% du marché, qu’une part insignifiante des immatriculations…mais souvenons-nous des années 60 et des premières japonaises et une vingtaine d’année plus tard des Coréennes, toutes deux également insignifiantes au départ.
Soyons réalistes, l’offensive automobile chinoise n’en est qu’à ses débuts et le marché européen risque fort de subir un véritable tsunami chinois avec des conséquences cataclysmiques pour son industrie automobile.
UNE INDUSTRIE AUTOMOBILE CHINOISE SURPUISSANTE. Si la Chine s’est réveillée, son secteur automobile l’a fait à une vitesse supersonique. En 2000, la Chine produisait 2,6 millions de véhicules, en 2010 18,2 millions et pas moins de 26 millions (21,4 de voitures et 4,6 d’utilitaires) en 2021 soit un tiers de la production mondiale. Les résultats pour 2022 ne sont pas encore définitifs mais ils pourraient connaitre un très léger recul. Par comparaison, l’Europe au sens large en a produit 16,3 millions.
Plusieurs facteurs expliquent cette croissance exponentielle. Le principal étant le Régime politique qui soutient totalement son industrie par des subventions et des tarifs douaniers défavorables aux importations sans oublier l’obligation, maintenant abolie, pour tout industriel désireux de s’installer en Chine, de s’associer avec une Entreprise chinoise permettant ainsi un transfert massif de technologies pour le plus grand profit de l’économie chinoise.
Autre atout, et pas des moindres, la Chine regorge d’exploitations de lithium et de terres rares qui lui permettent de s’attribuer un rôle de leader dans la production de batteries et donc également de V.E. Le secteur automobile chinois compte ainsi pas moins d’une quarantaine de constructeurs, dont un grand nombre parfaitement inconnus en Europe.
DES CONSTRUCTEURS AUTOMOBILES TENTACULAIRES. À ne considérer que les enseignes présentes au Salon, l’on ne peut que constater leur puissance. Non seulement elles produisent des véhicules sous leur propre noms mais nombreuses sont leurs filiales et les joint-ventures leur ont permis d’assembler d’innombrables produits européens, japonais ou américains. Aujourd’hui nombreux sont les produits de marques européennes vendus en Europe qui sortent d’usines chinoises. Quelques exemples? Dacia Spring, BMW IX3, DS7 E-Tense, Volvo S90, Mini électrique (2023)…
Par ailleurs, leur gamme de V.E. ne fait que monter en puissance, tant en nombre qu’en qualité. Pour preuve, la majorité des produits présentés à Bruxelles sont électriques et il est à craindre que les V.E. européens ne pèsent bientôt pas lourds face aux ‘rouleaux compresseurs’ chinois. Autre aspect de la politique des constructeurs chinois, la prise de participation ou le contrôle total de marques européennes. Jetons donc un œil sur ceux présents sur le marché belge.
Geely, conglomérat automobile crée en 1986 a racheté en 2010 le suédois Volvo ainsi que Polestar avec en 2016, la création de Lynk & Co qui produit des véhicules hybrides sur base de Volvo XC ou V40, principalement proposés en location. Au départ, il était prévu de les assembler dans l’usine Volvo de Gand mais la production a finalement été localisée en Chine. Moins connu, l’acquisition des motos Benelli, de London Taxi International et les prises de participations dans Smart (50%), Lotus (51%), Aston-Martin (7,6%), Proton (49,9%) et Daimler-Benz (9,69%).
Avec une production de plus de 5,2 millions d’unités, SAIC (Shanghai Automotive Industry Corporation) s’affirme comme premier constructeur chinois et chapeaute une quinzaine de marques différentes. Fondé en 1955, SAIC, après la prise de contrôle de Nanjing Automobiles, a acquis en 2004 le coréen Ssangyong et en 2005-2007 les britanniques MG et British Motor Corporation (rebaptisé Maxus), tous deux en déliquescence. Par ailleurs plusieurs joint-ventures lient SAIC à VW, GM, Fiat et Iveco.
Autre acteur incontournable avec une production d’environ 4 millions de véhicules, Dongfeng fondé en 1969, avec des racines dans les années 50, qui parallèlement à ses propres marques dont DFSK, collectionne également les joint-ventures avec Nissan, PSA, Renault, Honda, Kia. Par ailleurs, en 2014, Dongfeng est entré dans le capital de PSA à hauteur de 14%.
BAIC (Beijing Automotive Group Co), fondé en 1958 avec des Volga soviétiques comme produits phares, a vu sa production dépasser aujourd’hui les 2 millions d’unités grâce à la technologie Saab, reprise en 2012-2013 et des joint-ventures avec Jeep, Hyundai et Daimler-Benz. Par ailleurs, BAIC a acquis une participation de 9,98% dans Daimler-Benz qui appartient donc pour près de 20% à des Entreprises chinoises.
Leader mondial dans la production de batteries nickel-cadmium et lithium-ion, BYD (Built Your Dreams) s’est lancé dans la fabrication automobile en 2003-2004. Près de 1,9 million de véhicules, principalement électrifiés, ont été produits en 2022.
Produisant exclusivement des véhicules électriques et des batteries, AIWAYS (amour de la route en chinois), très jeune entreprise fondée en 2017, se caractérise par l’utilisation presque exclusive du chemin de fer (nouvelle route de la soie) pour l’exportation de ses produits.
FAW (First Automotive Works), est actif depuis 1953 avec l’assemblage de camions soviétiques ZIS 150 et depuis 1958 dans la production de voitures de luxe Hongqi. A partir de 1992, FAW a pu bénéficier de la technologie de Mazda grâce à une joint-venture. FAW dont la production atteint près de 3 millions d’unités en 2022 est présent en Europe avec la marque Bestune. D’autres joint-ventures ont été conclues avec VW, Toyota et GM.
SWM (Speedy Working Motors), au départ fabricant de moto, s’est reconverti depuis 2016 dans l’automobile suite à une joint-venture entre Brilliance China Auto et Shineray Motorcycle.
Fondé voici près de 60 ans, JAC, produit plus de 500.000 véhicules, tant particuliers qu’utilitaires. JAC et le groupe VW ont conclu une joint-venture en 2017 pour la production de Seat électriques.
Enfin, signalons le constructeur Seres né en 2016, filiale du Sokon GROUP, avec son siège en Californie et sa production de véhicules électrifiés en Chine.
Tous ces nouveaux (ou récents) venus ont été accueillis favorablement par quelques importateurs bien établis ou nouveaux. Inchcape, l’importateur de Toyota-Lexus s’est chargé de BYD. Astara (ex Alcopa, Groupe Moorkens), en plus de Hyundai, Suzuki, SsangYong et Isuzu a ajouté MG et Maxus à sa collection. Nouveau venu dans le cercle des importateurs automobiles, OneAutomotive, établi à Geel, commercialise BAIC, DFSK, SWM, Seres, FAW (Bestune) et JAC. Cardoen quant à lui a pris en charge la vente des Aiways. 🔵