IL Y A 75 ANS NAISSAIT LA 'DEUX POILS'

@ Paul Verdbois

Si la Citroën 2 CV fait sa première apparition publique le 7 octobre 1948 au Salon de Paris, ce n’est qu’en juillet 1949 que débutera sa production. Mais en réalité, l’histoire de la 2 CV débute en 1936-37 avec le projet de TPV (Toute Petite Voiture) s’adressant en priorité au monde rural et permettant à Citroën, entré dans le giron de Michelin en 1935 suite à un endettement abyssal et à un lancement chaotique de la révolutionnaire Traction Avant, de sortir la tête de l’eau et accessoirement à Michelin d’augmenter sa production de pneumatiques.

UNE VOITURE MINIMALISTE. Le nouveau PDG de la marque aux chevrons, Pierre Boulanger rédige un cahier des charges ultra précis et simple: quatre places assises, 370 kg, 50 kg de bagages, 2 ch fiscaux, traction avant, 60 km/h, boîte à trois vitesses, facile d’entretien et 3 litres/100 km. La légende prétend que ce cahier des charges incluait  également l’obligation de pouvoir transporter un panier d’œufs sur chemins défoncés… sans en casser un. André Lefebvre, déjà à l’origine de la Traction Avant, fut chargé de la réalisation du projet.

À L’ÉTÉ 1939 UN  PROJET A PRIS FORME avec une  voiture en tôle ondulée d’alliage d’aluminium, animée par UN MOTEUR BICYLINDRE À PLAT de 375 cm3 refroidi par eau développant 9 ch SAE. Fin août 1939, 250 voitures ont été assemblées à l’approche du Salon,  mais à la déclaration de guerre, elles sont démontées ou détruites. Quelques prototypes, sont cependant cachés dans différents endroits discrets. Cependant, fin 1941, dans le plus grand secret, les études reprennent en simplifiant encore le projet. A la libération, malgré la pénurie de matières premières, la TPV prend le chemin de la dernière ligne droite. Le design final sera l’œuvre de l’italien Flaminio Bertoni, déjà à l’ouvrage sur la Traction Avant. Ce dernier, propriétaire d’une moto de 375 cm3, sera également à l’origine de l’abandon du moteur refroidi par eau  pour un moteur refroidi par air. L’aluminium sera abandonné.

TOUJOURS PAR SOUCI D’ÉCONOMIE DES SOLUTIONS TECHNIQUES MINIMALISTES SONT ADOPTÉES, par exemple les essuie-glace actionnés par le compteur de vitesse quand la voiture roule ou les joints de cardan non homocinétiques qui font ‘brouter’ la voiture dans les virages, sans compter la tringle amovible flexible graduée dans le tuyau de remplissage du réservoir comme jauge à essence. Les instruments de bord se limitent au tachymètre et à l’ampèremètre. Au départ, une seule couleur sera disponible. Par contre, notre TPV sera la première voiture de série à être équipée de pneus radiaux…Michelin oblige.

UNE ICÔNE DE L’HISTOIRE AUTOMOBILE. Si l’accueil réservé à la TPV par la presse automobile fut des plus mitigé pour ne pas dire franchement négatif, il n’en alla pas de même pour le grand public qui manifesta un véritable enthousiasme pour celle qui à l’instar de la Ford T, de la Coccinelle ou encore de la 4 chevaux allait marquer l’histoire de l’automobile.
Même avec l’accueil positif du grand public, les débuts de la production de la 2 CV sont des plus chaotiques: seules 876 2 CV seront produites en 1949, et… 6.200 en 1950 avec des délais de livraison de 3 à 5 ans. Le prix? Pas particulièrement bon marché avec un prix de 228.000 FRF soit l’équivalent de 4.500€. Cependant, en 1961, la production totale atteindra les 232.000 exemplaires avec comme principale concurrente la 4 CV de Renault, ‘chouchoutée’ par l’Etat français… Régie Renault oblige.

MALGRÉ SA SILHOUETTE BIZARROÏDE, son capital sympathie lui permettra de séduire rapidement une grande partie de la population. Mais ce sont aussi sa modularité avec ses banquettes amovibles, sa légèreté, son agilité ainsi que son confort qui lui offriront un succès de grande envergure, sans oublier son caractère économique. En 1950, l’explosion des commandes fera grimper le délai de livraison à 6 ans!
Avec sa redoutable concurrente de la Régie Renault, notre 2 CV deviendra dans toute l’Europe, à des degrés divers,  l’archétype de la voiture française des années 50 et début 60. Plus tard, elle rentrera dans l’histoire comme le moyen de transport ‘cool’ des années 70-80, entre autres chez les soixantehuitards.

PRÈS DE 40 ANS D’ÉVOLUTION. De 1949 à 1990, date de l’arrêt de sa production, pas moins de  5.114.969 2 CV furent produites  dont 1.246.335 2 CV fourgonnettes à partir de 1951 jusqu’en 1978. Pas moins de 359.666 exemplaires sortiront de l’usine de Forest.
En 1954 apparait l’AZ équipée du moteur de 425 cm3 développant 12 ch SAE et bénéficiant d’embrayage centrifuge, qui permet de ne pas avoir à débrayer et de s’arrêter sans caler dans les encombrements. En 1956, place au luxe avec la AZL, L pour luxe avec un dégivrage du pare-brise par arrivée  d’air chaud moteur et une plus grande lunette arrière. En 1957 apparait le type AZLP avec une  malle métallique. Pour le folklore, signalons en 1958 l’apparition de la 2 CV AW ou Sahara 4×4 équipée de 2 moteurs 425 cm3, l’un à l’avant, l’autre à l’arrière. Seules 693 unités seront produites et on les reconnait à la roue de secours disposée sur le capot. 1960 voit la 2 CV s’enrichir d’un nouveau capot dépourvu  des cannelures style ‘tôle ondulée’ ainsi que d’une calandre plus moderne. En 1963, le moteur développe désormais 18 ch SAE (type AZA, A pour ‘amélioré’) et un an plus tard, sur le type AZAM,  les portes papillon disparaissent au profit de portes s’ouvrant dans le même sens. En 1967, un modèle ‘Export’ bénéficie d’un tableau de bord modernisé inspiré de celui de  l’AMI 6.
En 1968, avec le lancement de la Dyane, le déclin est amorcé. Pour y remédier, Citroën revoit en profondeur sa copie: moteur 435 cm3 de 24 ch baptisée 2 CV 4 mais surtout introduction du moteur 602 cm3  développant 29 ch qui donne naissance à la 2 CV 6. De nouvelles teintes font leur apparition et la carrosserie bénéficie d’un très léger face-lift. La 2 CV 4 disparaîtra en septembre 1978. À partir de 1976, de nombreuses séries spéciales sont lancées comme la SPOT, DOLLY, COCORICO mais surtout la CHARLESTON bi-ton qui deviendra une version à part entière et même la dernière 2 CV. La fourgonnette a évidemment bénéficié des mêmes évolutions que la berline et sa charge utile a évolué de 250 à 400 kg. Elle  disparait en 1978, pour faire place à l’Acadiane, basée sur la Dyane. Durant les années 70-80 la 2 CV connait encore un certain succès auprès des adversaires de  la consommation de masse, souvent baptisés les ‘babas-cools’ et évidemment auprès d’une clientèle aux moyens limités vu son prix plancher.

LA FIN DE L’AVENTURE. Les années 80 marquent le chant du cygne de notre ‘deux poils’. Les règlementations de plus en plus draconiennes dans le domaine de la sécurité et de l’environnement,  sans compter sa technologie et son confort totalement dépassés face aux  Citroën LN, Visa ou AX mais surtout face à la concurrence seront les armes fatales pour la 2 CV. Il est à noter qu’elle connait encore des résultats appréciables aux Pays-Bas, pays d’origine de la famille Citroën, et en Allemagne. Mais l’heure de la retraite avait sonné. Le 27 juillet 1990 l’ultime 2 CV sortait de l’usine portugaise de Mangualde près de Viseu, l’usine qui avait produit des dizaines  de milliers d’exemplaires nettement mieux finis que ceux produits par l’usine de Levallois-Perret. Hasard de l’histoire, Mangualde n’est autre que la cité qui a vu naitre la chanteuse Lio. Ce 27 juillet 1990 marquait sans conteste la fin d’un chapitre important de l’histoire de l’automobile, un chapitre des plus attachants et des plus sympathiques. La 2 CV a également représenté un certain art de vivre qui connait une seconde vie à travers les très nombreux clubs de collectionneurs de 2 CV.

D’INNOMBRABLES APPELLATIONS… Peu de voitures ont connu un tel nombre de noms de baptême. Les plus connus se rencontrent évidemment en France  avec Deuche, Doche, Deudeuche, Dodoche, Deux Pattes. En Belgique, Deux poils ou Geit (chèvre); Eentje (petit canard) aux Pays-Bas; Ente (canard) en Allemagne; Kacsa (canard) en Hongrie; Citroneta au Chili; Döschwo en Suisse alémanique; Pincha-pincha (pince-pince, allusion à la suspension?) au Portugal; Tin Snail (escargot en fer blanc) en Grande-Bretagne; Rättisitikka (Pivert) en Finlande et enfin, beaucoup plus logique Dos Caballos en Espagne et Due Cavalli en Italie. Terminons par le Sénégal où notre 2 CV a été affublée du doux patronyme de Auto-mbott (auto-crapaud) en langue Wolof.  🔵

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